RÉFLEXION

Idéologiquement, je ne souhaite pas faire de l’Art un produit comme les autres, régulé par la stupidité du marché. C’est pour cela que j’ai longtemps refusé la commercialisation de mes créations, préférant la donner aux personnes pour qui l’oeuvre a raisonné, avec qui il y a eu un échange.
Pour cela, et afin que la création soit pérenne, j’aimerais que l’art soit basé sur le mécénat.
Pour l’instant, c’est difficilement envisageable, et il faut bien gagner de quoi vivre.
Or travailler et créer en même temps me semble difficile. C’est pour cela que je cherche un moyen de vivre sans renier complètement cette idéologie.
Un système de prix libre par exemple me semble moins hors de propos, bien sûr dans la limite ou le prix de vente est supérieur au coût de revient de l’œuvre.

Combien ça coûte ?
Combien penses-tu en voyant cette oeuvre que cela coûte ?
Combien, en accord avec tes moyens, pourrais tu acheter cette oeuvre ?

Il faut voir l’achat d’une œuvre comme un prétexte pour soutenir une démarche et la création plutôt.
C’est un peu croire en la bienveillance de chacun, un peu être dans le monde des bisounours diront certains.
Mais après tout, si c’est le monde dans lequel j’aurai envie de vivre, ne faut-il pas qu’au moins j’essaie d’y croire et donc d’agir dans le sens de ce en quoi je crois ?

Je crée quasi exclusivement dans la spontanéité et avec intuition. Je réfléchis rarement avant de produire quelque chose.
Je m’amuse beaucoup dans ce que je fais, et j’ai énormément de mal à faire les choses lorsque ça ne vient pas naturellement.
Je suis d’avantage intéressé par le processus de création et ce qu’il s’y passe que par le rendu final.
Je ne souhaite pas avoir une production dirigée afin de plaire au potentiel acheteur, mais plutôt me saisir de cette occasion pour laisser s’exprimer ce qui se joue à ce moment là, seul ou a plusieurs. Je suis particulièrement intéressé par l’inclusion de toute personne volontaire et pas forcément « artiste professionnel » dans le processus de création.
Créer collectivement c’est un peu partager ses doutes et ses croyances, s’exposer, partager une tranche de vie, lâcher prise.
Mais c’est aussi voir que nous sommes capables, que cela produit quelque chose, et que cela peut aider dans son cheminement.

Atteindre l’état modifié de conscience.
Je crois qu’au fond c’est là où je suis bien. Aussi longtemps que je m’en souvienne je cherchais et ressentais ça.
Dans la performance, la peinture, l’alcool, la drogue, la méditation…etc
Se sentir le tout au-delà de son individualité. Ressentir et faire circuler les énergies pour amener chacun à en prendre conscience, à se rapprocher de l’essentiel.
C’est surtout pour ça que le faire m’importe beaucoup plus que le résultat.
La création est le plus important. C’est un proche synonyme du présent. Le reste n’existe pas dans notre monde, ou n’a plus qu’une influence plus ou moins grande.
Création et destruction sont indissociables, d’ailleurs ça pourrait presque être le même mot.

Il est très amusante de voir ce que produit parfois notre créativité, et je me demande pourquoi nous cherchons tant à la relier à notre réalité parfois, la réalité que l’on connaît par répétition et habitude.
J’essaie vraiment de sortir de cela, et d’arpenter de nouveaux horizons.
Comment faire un monde nouveau en partant et en s’accrochant aux vieilles bases que nous connaissons ?

Parfois quand je peins je me sens possédé.
Tout cela a-t-il du sens ?
Si rien en a alors faisons sans se préoccuper du reste.
Tout passe rien ne reste.
Ce n’est pas moi qui peint, ça me traverse comme si on utilisait mon corps.
Je ne suis pas fou mais je me sens fou dans le sens anormal.
Ou peut-être que c’est une projection et que j’aimerais être ça.
En tout cas je me sens vivant et entier quand je peins ou danse devant ma peinture. Ça me traverse.
Puisque nous allons tous au même endroit, la mort, pourquoi ne pas tenter d’y aller comme on veut, quitte à la trouver plus tôt si un mur nous arrête.
Un mur infranchissable. Pas un obstacle.

Le langage c’est compliqué, personne n’a vraiment le même, et il en existe une multitude tant dans la forme la plus courante pour le commun des mortels, la parole, que dans la variété de ce qu’on peut qualifier de langage.
Si je suis bien d’accord qu’il y a un consensus général sur le sens des mots, et encore, j’ai d’autant plus de doutes quand on y intègre le fait que ça se passe au moins à deux : ce que je dis, ce que l’autre entend, perçoit, interprète etc.
L’Art est un langage, et pour moi il a vocation à faire sortir, exprimer des choses qui ne sortent peut être pas avec les mots, à part dans la poésie.
En conséquence, expliquer son œuvre me semble un non-sens. Si des critique d’Art ou autres personnes ont des choses à dire, je leur laisse le soin.
Personnellement je m’exprime dans la création, et je m’occupe bien peu du reste. Si d’autres ressentent quelque chose en regardant ou en faisant une toile, c’est déjà amplement suffisant pour moi.
On ne demande pas à un chanteur-compositeur d’expliquer sa chanson pour ressentir quelque chose, pour se laisser impacter, il me semble.

Pour moi l’artiste est complet, au sens où l’on est pas artiste peintre ou photographe ou je ne sais encore. C’est une mentalité, une philosophie de vie, un penchant pour la création et une sensibilité. Le support en devient accessoire. Bien sûr, on peut être plus ou moins doué techniquement avec tel ou tel médium, mais dire que l’Art c’est la technique me semble erroné tout comme dire qu’il n’y a pas d’Art sans technique.

L’artiste voit le quotidien autrement qu’une simple routine, et essaie de se servir de cette matière pour y voir plus clair.

Du latin energia : force en action
C’est la base de tout, c’est ce qui nous crée, ce qui nous anime, ce qui nous relie tous (comprendre êtres vivants, non vivants, matière, etc) et ce qui nous relie au Tout.
C’est sûrement ce que je considère comme le plus proche synonyme de ce qu’on appelle Dieu.
Rien ne compte que de laisser circuler l’énergie qui est la base de tout. Il ne s’agit pas de voir ce qu’elle produit, mais surtout de voir qu’elle produit.

Quand je passe quelque part, je laisse une trace. Comme nous tous, mais visiblement souvent un peu plus que d’autres.
J’ai conscience de mon corps, mais j’ai aussi conscience qu’il y a quelque chose qui m’habite, de l’ordre du potentiel, quelque chose d’infini qui essaye de se manifester.

Je crée donc ma propre vie à partir de choix, et de non choix ou bien de choix plus ou moins conscients, qui transforment des potentialités en nouvelles réalités.
L’Autre a une capacité d’action non négligeable, bien sûr, sur ma capacité de changer, sur mon élan, et ma trajectoire.
J’aime bien remettre les acquis sur la table, montrer les certitudes et les questionner.
J’essaye d’utiliser cette espèce de mélange détonnant en moi pour faire réagir.
Peu importe la réaction, pourvu qu’il y en ait une, et que des connections se créent.

C’est amusant de regarder les habitudes en prenant du recul.
C’est un peu comme regarder le soleil de face sans lunettes de soleil.
Très désagréable, et l’on finit toujours par fermer les yeux.

Les rapports humains me semblent bien complexes.
J’aime les regarder en essayant d’avoir un œil extérieur.
C’est comme si j’essayais de comprendre comment ça marche, mais souvent un sentiment de désolation finit par m’envahir.

La danse c’est un partage. L’énergie circule. On ressent l’autre. On développe ses sens. On ne ment pas dans la danse. C’est le corps qui parle. L’intelligence doit pouvoir se mesurer par le mouvement des corps. Le mouvement du corps permet le mouvement de l’esprit. La danse est un langage qui permet sans doute de tomber amoureux.